Conseils de famille, nos quinze ans d’expérience

On entend souvent dire qu’il n’y a pas de recette pour élever les enfants, qu’il n’y a pas de modèles ni de références. Comment éviter alors que les problèmes fassent boule de neige ou que les conflits dégénèrent en souffrance et parfois en violence ?

Les émissions de télévision sur les enfants et les adolescents à problèmes se multiplient. Des familles sont filmées dans leur quotidien et les spectateurs assistent en direct aux conflits, parfois très violents, qui les déchirent.
Les images sont anxiogènes. Comment faire pour ne pas en arriver là ? C’est la question que nous nous sommes posée en tant que jeunes parents.

Nous avions la chance d’avoir déjà pris conscience qu’un travail sur nous, sur notre enfance et sur nos blessures était nécessaire pour évoluer au mieux en tant que parents. Nous savions aussi que notre histoire individuelle allait jouer un rôle très important. Mais nous avions un sentiment d’urgence et il nous fallait des outils pour mettre en place un maximum d’échanges et de communication entre nous.

Du conseil de couple…
Au début de notre relation de couple nous étions très jeunes et parfois notre relation était conflictuelle. Alors nous avons essayé différentes façons d’envisager nos échanges. Nous souhaitions éviter que les dialogues se terminent par des disputes, des silences et que notre relation sombre dans une incompréhension réciproque mêlée de douleur. Après quelques années, nous avons constaté que ce qui fonctionnait le mieux pour nous, c’était d’instaurer une sorte de « conseil de couple » de façon régulière. Nous le mettions aussi en place à chaque fois que l’un d’entre nous se sentait blessé, incompris ou avait besoin de partager, d’être écouté et entendu.
Chacun prenait le temps de s’exprimer, d’exposer ses problèmes, de dire ce qui n’allait pas dans sa vie et dans le couple, mais aussi d’évoquer ce qui allait bien. Très souvent chacun s’exprimait longuement sur ce qui était difficile pour lui, la règle étant ne pas intervenir quand l’autre avait la parole, de lui laisser le temps nécessaire. Au départ, l’exercice était difficile, et l’un ou l’autre devait intervenir pour rappeler le fonctionnement. Ce qui nous avait donné le courage de continuer, c’est que lorsque nous ne le faisions pas, les disputes et les blessures revenaient.

… au conseil de famille
Alors dès que les enfants ont été en âge de s’exprimer, nous avons naturellement instauré les « réunions de famille » ou les « conseils », même si en parallèle nous continuions nos rendez-vous de couple ou de parents (rendez-vous qui sont d’ailleurs toujours d’actualité).
Le plus souvent les conseils de famille étaient informels. Nous les organisions si nous considérions que la famille était en « état de crise », ou si l’un d’entre nous se sentait mal pour différentes raisons et le demandait (un de nos enfants a réclamé
un conseil de famille à l’âge de 4 ans !). Les enfants ont rapidement pris l’initiative de demander un conseil quand nous vivions des situations difficiles et surtout quand ils vivaient des événements comme étant injustes.

Un moment riche et convivial
Nous choisissions souvent un moment après le repas pour discuter selon les codes que nous avions mis en place dans nos premières réunions à deux, à savoir respecter la parole de l’autre, ne pas intervenir quand quelqu’un s’exprime. En fait, au fil des années, les réunions ont évolué car chacun a apporté des améliorations. Les enfants étaient en général sensibles au fait que les discussions soient associées à une petite préparation de douceurs (biscuits, chocolat, bonbons) et des boissons (jus de fruits, chocolat, infusions, thé). Mais quand il y avait urgence, on faisait la réunion avec ce que nous avions sous la main ce jour-là. Parfois, quand nos emplois du temps étaient chargés, nous attendions le week-end pour une rencontre plus formelle. Les enfants n’ont pas toujours été enthousiastes quand on annonçait un conseil de famille, surtout pendant la période de l’adolescence.
Alors la forme et les modalités du conseil de famille étaient importantes pour eux, même s’ils se sont toujours tous présentés quand c’était nécessaire et sans jamais se sentir forcés.
Concrètement, nous nous placions en cercle, le plus souvent autour d’une table (basse ou haute). Celui qui avait pris l’initiative de la réunion commençait. Il n’y avait pas de limite de temps, la seule règle étant de parler de soi, de dire « je »,
d’essayer de formuler au mieux son ressenti et ses demandes. Ils devaient attendre leur tour pour le faire et c’était parfois, même avec beaucoup de pratique, un exercice difficile.
Il y a eu des pleurs, des rires et des colères, des mains qui ont traversé la table pour en prendre d’autres, des demandes de câlins…

Décider et organiser ensemble grâce aux conseils de famille
Nous faisions aussi des conseils de famille pour préparer une fête, un anniversaire, les vacances, les invitations ou Noël, pour que chacun puisse dire ce qu’il souhaitait vivre, faire ou recevoir. Pour qu’il n’y ait pas d’incompréhensions, de frustrations et de déceptions ni du côté des parents ni du côté des enfants.
Ces conseils permettaient d’exprimer les attentes réciproques mais aussi les limites de chacun.
Nos conseils de famille ont toujours placé les enfants au même niveau de parole, de décision et de participation que les parents. Ils étaient considérés et entendus comme les adultes, il n’y avait pas de hiérarchie ni d’âge ni de pouvoir.

Un jour une amie m’a dit : « Et vos conseils de famille ? » En y réfléchissant je me suis dit : « On n’en fait presque plus. », puis tout de suite après : « Mais si, on en fait, mais on ne s’en rend plus compte. » En fait, nous avons au fil des années intégré un mode de fonctionnement et il suffit que l’un de nous dise : « Et si nous parlions un peu de ça ? » pour que, d’instinct, nous nous positionnions comme dans un conseil.
Les conseils de famille nous ont été d’une grande aide.
Notre fonctionnement n’est pas un modèle, chaque famille avec ses envies, ses désirs, ses goûts, ses capacités et sa créativité trouvera sans aucun doute une jolie façon de se réunir.
Pour nous, penser au plaisir de chacun dans la rencontre a été l’ingrédient nécessaire à la longévité du projet.
Alors il peut suffire de se laisser aller et de vivre cette perspective de réunion avec beaucoup de bonheur et d’espoir.

Valérie Haas
PEPS n°2

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