J’entends beaucoup parler dans les milieux de l’éducation comme chez les parents des bienfaits d' »assumer les conséquences ». IL « faut » que l’enfant assume les conséquences de ses actes, c’est pour certains une règle mathématique, logique, imparable quoi !
À bien y réfléchir, c’est une option pleine de bon sens.
Dans notre famille, à partir d’un certain âge, les enfants assumaient par exemple les conséquences de leurs maladresses comme les adultes. Si l’un d’eux renversait un verre, il s’empressait de nettoyer le liquide répandu. Pourtant, il y a des situations où la conséquence peut devenir une punition.
Les commentaires dépréciatifs
Si en observant mon enfant commettre une maladresse, je lui avais lancé un «Veux-tu bien nettoyer immédiatement, espèce de petit maladroit !» péremptoire, il en aurait été humilié, blessé. Il n’aurait alors plus été question pour lui de décider en toute conscience de réparer. Mon enfant n’aurait plus eu le choix, il aurait subi la réparation comme une punition.
Autres circonstances qui font que la conséquence devient une punition : quand elle est trop importante par rapport au développement psychomoteur de l’enfant. Clara vient de faire tomber une grosse boîte de Lego sur le sol de la chambre de son frère, à deux ans et demi elle ne peut pas réparer les dégâts sans être aidée.
Fausse conséquence
Et enfin il y a ce que j’appelle la fausse conséquence, souvent créée par la famille.
En voici un exemple : une mère se prépare avec ses enfants à une sortie au parc, le plus jeune refuse de se vêtir. Conséquence : pas de parc. Ils resteront tous à la maison.
Pourtant, l’acte qui consiste à ne pas vouloir s’habiller a-t-il pour effet de ne pas pouvoir se rendre dans une aire de jeu ? Cela semble-t-il logique ?
Pour moi, la conséquence de ne pas vouloir enfiler des vêtements à un moment donné, c’est d’être nu. C’est aussi simple que cela.
Une de mes amies me parlait il y a quelque temps d’un exemple qu’elle avait lu d’un père de famille dont la fille refusait de se couvrir en plein hiver. Afin de lui faire vivre pleinement la conséquence de son refus, ce dernier contacta l’institutrice de sa bambine pour lui demander de ne surtout pas lui donner de manteau, y compris si la petite se ravisait.
Là, on pourrait se dire que finalement l’enfant assume les conséquences de ne pas avoir mis de manteau, et en même temps, est-il naturel de ne pas pouvoir changer d’avis ? D’être coincée au sein de « fausses conséquences » organisées par les parents ?
Car quelle enseignante refuserait de donner un manteau à un enfant qui se plaint d’avoir froid ? Quelle vision du monde insécurisante, où l’erreur et l’expérimentation n’ont pas de place ! Où le tâtonnement n’est pas possible, où l’on ne peut plus prendre le risque de se tromper.
Je suis sceptique quand j’entends des récits de cette nature.
Ce qui manque dans ces circonstances, finalement, c’est la compréhension, le soutien. Lorsque mon enfant fait un choix, je vais l’aider à l’assumer, et je vais accepter qu’il change d’avis, bien sûr ! C’est ainsi qu’il se forge une vision du monde où les souffrances surviennent, les erreurs se succèdent, mais où l’on peut changer de direction, réfléchir, choisir d’autres options, explorer d’autres effets. C’est ainsi que se fait l’apprentissage (pour nous tous), et les parents sont là pour protéger les enfants, pour les aider à assumer, pour partager avec eux les conséquences. Les véritables conséquences, pas celles que nous avons choisies et décrétées et qui n’ont que peu de relations avec la cause.
Ces dernières, elles, sont des punitions déguisées en conséquences, et comme on finit par croire ce que l’on décrète en tant que parent, on croit que la conséquence d’une action peut être une punition, d’autant plus quand nos propres parents fonctionnaient ainsi avec nous.
Cette histoire de conséquences est essentielle, et nous poursuit toute notre vie. Pourquoi avons-nous autant peur des conséquences de nos actes aujourd’hui ? Nous sommes adultes, mais nous gardons cette peur d’être punis, de ne plus être aimés, cette peur paralysante, qui nous empêche de régler des problèmes parfois complexes mais gérables.
La peur l’emporte bien souvent. Je ne sais pas si vous êtes d’accord, mais cela me paraît en partie lié au fait d’avoir dû assumer de « fausses conséquences », punitives, humiliantes. Les « vraies conséquences », elles, pourront aider notre enfant à grandir s’il les assume avec notre soutien.
Catherine DUMONTEIL-KREMER
PEPS n°7